Chronique du 1 juillet 2023
Oh non ! Pas
de la poésie !
ENCORE
Lèvres bleues
Les chiens reviennent de la plage
Un frisbee entre les dents
Les enfants aussi retournent
Lèvres bleues, doigts ratatinés
La mer va se reposer
De ces étranges terrestres
Les sauveteurs remballent
Les parasols deviennent des lignes
L’océan retourne vaguer
À ses écumeuses affaires
Les pêcheurs démêlent leurs filets pour demain
Crabes et albatros retrouvent leur quartier
Et la mer se couvre
Et se découvre dans son lit
Les poissons s’installent pour la nuit
Les prédateurs commencent leur journée
Qui s’éveillera demain ?
Qui sera plutôt digéré ?
La lune flotte au loin
De l’eau elle lève sa rondeur
Et comme chaque jour, la noirceur
Enrobe la nuit de ses obscures couleurs.1
L’avarice
L’avarice est au grenier
Comme chaque matin
Comptant son or papier
Jouissant de son butin
Elle consigne ses argents
Sur un petit papier
Qu’elle efface et reprend
Une fois par année
Elle n’a qu’une seule assiette
Qu’un gobelet d’étain
Elle ramasse les miettes
Pour en refaire un pain
Pour elle tout est trop cher
Elle vit de secondes mains
Bazars, souks et enchères
Seules sources de tous ses biens
Tous ses vêtements sont noirs
Car c’est moins salissant
Tout entre dans un tiroir
La variété c’est coûtant
Quand à sa porte, un pauvre
Tend la main, demande des sous
Elle le traite de voleur, de fauve
Claque la porte et le verrou
Elle récupère son compost
Se chauffe de ses déchets
Son internet c’est la poste
Elle n’a pas de carte guichet
Pas de téléphone, pas d’auto,
Libre d’assurances et de forfaits
Pas de factures pas de photos
Pas de conflits, pas de procès
L’avarice reste sur sa faim
Se nourrir a trop coûté
Elle ne mourra pas de faim
Mais bien de pauvreté2
Les titans
Il était une fois deux titans
Dont l’acuité d’esprit égalait leurs pouvoirs
Leur force surhumaine les érigeait en monument
Leur savoir et leur intelligence les élevaient en symbole de sagesse
Un jour craquant d’orage, à l’aube, ils se rencontrèrent
Ils se toisèrent, se scrutèrent, se subjuguèrent d’admiration
Trouvant, chacun, l’autre superbe, stupéfiant
Jaillissaient de leurs yeux des éclairs flamboyants
Voyant dans ce reflet ardant une vraie contrepartie,
Une force, en vis-à-vis, une cible, un défi motivant
Foudroyés par ses regards égaux
Une âme sœur pour chacun leur égo
Commença alors une joute éternelle
D’amour et de fausse haine
Ils ne purent plus jamais se quitter
De loin, de près, ils adoraient se mesurer
Nus ou en arme, les deux élites
Vécurent de combats corps à corps, d’esprit à esprit
Stimuler, chaque jour par un nouveau défi
Poursuivre la vie, combattre sans répit
Garder l’autre fort par une subtile répartie
Mais offrir des échanges satisfaisant pour soi
Offrir une garde haute
Une offensive sans blessures
Amour de tiraillements qui garde bien vivant
Attirance complexe, doux baiser de savant
Deux esprits faisant vraiment l’amour
Pour deux corps épris par leur commune beauté.3
Racines
Je suis un arbre sans racines
Ma vie tient en équilibre
Je penche dangereusement
Au gré du vent et des tempêtes
Je bouge les doigts sans arrêt
Pour empêcher mes feuilles de jaunir
Mais sans rien pour me nourrir
Mon écorce s’amincit, s’effrite
Jadis, j’étais un très bel arbre
On s’embrassait, là, à mes pieds
Le soleil avivait mes feuilles
Le printemps gonflait mes fleurs
Je réfugiais les plus beaux oiseaux
Mes bras enlaçaient leur nid
Du feu du midi,
Je prodiguais mon ombre
Et sur mes membres généreux
Grimpaient les enfants l’après-midi
Mais seul au milieu de la plaine
La solitude m’a aigri
Sans amis, sans frères ni sœurs
Mes racines ont pourri
Je vais tomber un jour
Et là on verra bien
Qu’on ne peut vivre sans racines
Car on ne sait plus d’où l’on vient4
Terre battue
Je ne suis plus que terre battue
Où plus rien ne pousse
Quand on me marche dessus
Je sens chaque secousse
Tout le monde se sert de moi
Personne ne s’en souvient
On me piétine de tout son poids
Je suis la toilette des chiens
Si vieux, devenu si dur
Je ne préserve aucune empreinte
Que des souvenirs, que des blessures
Cachés sous ma surface sans teinte
Avant de me faire piétiner
J’étais d’herbes et de fleurs
À me faire battre par des pieds
Je n’ai plus qu’une couleur
Tanné par la plante des pieds
De milliers de passants
Je suis devenu sentier
Puis un chemin naissant
Un jour pour les autos
Endimanchée de bitume noir
Une ligne blanche sur le dos
Effacera mon histoire.5
Kicker la canisse
Je spin
Je crampe
Je débarque
Je craque
Je plaque
Je claque
Je braque
Je bêche
Je pète une coche
Je me pile sa strap
Je prends l’champ
Je kriss le camp
Je prends n’débarque
J’vire dans mes shorts
Je feel pas doux
Je pogne les nerfs
J’kriss toutt ça là
J’kalisse mon camp
J’ramasse mes ptits
Pis j’fà d’l’air
S’ra pas une traînerie
Que j’serai pu là
J’va toutt fucker
J’va toutt péter
À pleines poignées
J’va toutt squeezer
Ça va pisser
Ça va gicler
Ça va friser
Ça va blaster
Ça va r’voler
Pis j’va freaker
Pis j’va crasher
J’va pogner un rush
Pis j’va flipper
J’va passer out
J’va m’écraser
J’va m’effoirer
J’va m’effriter
J’va m’égrainer
J’va m’écarter
Pis j’va flasher
Pis j’va m’checker
J’va me r’trouver
Pis j’va m’patcher
J’va me strapper
J’va m’rassembler
Ma faire un team
Juste avec moi
J’va prendre mon trou
Manger mes croutes
J’va tenir mon boutt
J’va m’embarrer
J’va attendre le break
La fin du shift
Attendre d’enfin
Kicker la canisse.6
Encore un peu de poésie. Une deuxième chronique qui propose des poèmes divers. Six poèmes de factures et de temps différents. Six tricots de mots, tissus de sentiments, toiles d’émotions sibyllines. En prime un poème en québécois.
1 Lèvres bleues / Au coeur de l'âme (Inédit)
2 L'avarice / Tableaux (Inédit)
3 Les titans / Au coeur de l'âme (Inédit)
4 Racines / Au coeur de l'âme (Inédit)
5 Terre battue / Au coeur de l'âme (Inédit)
6 Kicker la canisse / Kicker la canisse
Merci aussi à ceux qui n’ont pas lu.