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René Goyette

Couleurs masculines


Longtemps confiné aux couleurs sombres, l’habillement masculin a quand même connu ses moments de couleurs. La plupart du temps, c’est le militaire qui teinta, les vêtements de l’homme. Ironiquement, la variété de tissus et de couleurs provint d’une conception orientée vers l’uniformité. Pour l’homme, enfin, à certaines époques, de beaux habits colorés et des décorations clinquantes.


Si on regarde le vêtement masculin, au cours des dix derniers siècles, on remarque que, malgré quelques exceptions, qu’il est généralement de couleurs foncées, de noir, de brun, de beige. Bon, on nous répond que c’est parce que le vêtement de l’homme était orienté vers le travail donc plus pratique (et moins salissant) qu’esthétique. Malgré tout, le costume masculin n’évolua guère. Selon l’historien Georges Vigarello1 la robe et le pantalon sont des attributs engendrés par la culture :

« L’habit court masculin opposé à l’habit long féminin, l’insensible différence entre l’homme confronté au travail, et la femme confrontée au décor, les unes vers l’esthétique, les autres vers la fonctionnalité. » 1

Mineurs au début du 20e siècle. Réf. 4

Jadis, la couleur

Mais il y a bien eu des époques où les habits de l’homme arborèrent couleurs et froufrous. C’est le cas du 16e et 17e siècle en Europe.



Vers les 1600, remplaçant l’haut-de-chausse, la culotte se dessine en Angleterre.



En 1610, la « culotte » se présente ballonnée en forme de bourse. Puis, dans le courant de la décennie, elle s'affaisse et perd de sa rotondité. Sa forme passe d'une ligne concave à une contenance flasque. Sa ligne devient presque convexe. L'aspect bouffant au-dessus des genoux maintient la forme en bourse.2

L’homme coquet

Au 18e siècle, il est tout à fait légitime qu'un homme s'intéresse à la mode, en accord avec les notions de masculinité alors couramment admises. Les hommes de bien et d'influence accordent beaucoup d'attention à leurs tenues, tout autant que les femmes.

La mode vestimentaire de la noblesse à la cour de France domine l'Europe et, à un degré moindre, l'Angleterre. La soie, les dentelles et les broderies de prix sont non seulement à la mode pour les hommes, mais de rigueur. La mode privilégiée par l'élite masculine est progressivement adoptée par toutes les classes sociales. Les Canadiens élégants prennent comme modèles leurs homologues européens et anglais.3

L’ère du sombre

À la fin du 18e siècle, toutefois, cette mode masculine est en déclin. Moins d'un siècle plus tard, elle a pratiquement disparu. En effet, à partir du milieu du 19e siècle, le vêtement masculin n’eut que de faibles écarts en dehors du noir et blanc, du beige, du vert foncé.


C’est particulièrement frappant quand on regarde deux cents ans de photos de mariage où l’on voit le marié asservi au noir et à la ligne rigoureuse, auprès d’une mariée noyée dans les froufrous blancs et les bijoux.


Et, même en dehors du mariage, le costume de l’homme moderne n’a toujours pas réussi à se sortir du côté obscur.


Mais tout n’est pas noir !

Cependant, l’habillement de monsieur connut ses moments forts en artifices et coquetteries. Et c’est, ironiquement, le militaire et le politique qui par leur hiérarchie et leurs couleurs patriotiques donnèrent aux mâles des couleurs.


À travers les temps, comme dans un grand jeu, les civilisations engendrèrent des armées aux différentes couleurs de l’arc-en-ciel. Les rouges contre les verts, les jaunes contre les bleues. Et, à l’intérieur de chaque groupe armé, différentes décorations indiquant le grade hiérarchique du soldat. Et de belles médailles et petits fanions épinglés sur la poitrine.


Mais plus les guerres évoluaient, on découvrait que, par exemple, les « habits rouges » de l’armée anglaise en faisaient des cibles de choix. Les armées réorientèrent alors leurs couleurs vers le camouflage, de sorte qu’à partir de la Première Guerre mondiale, la plupart des forces armées de la planète se tournèrent vers le kaki, le brun, le jaune sable et des mélanges des trois. L’homme venait de retourner, là aussi, aux couleurs sombres.


Toutefois, on eut soin de conserver les couleurs et artifices éclatants des uniformes d’apparat que l’on peut admirer lors des grandes cérémonies.


Les inclassables

Mais la mode moderne est beaucoup plus permissive; elle accepte les essaie-erreurs, les risques calculés. On ne sait jamais si les gens aimeront avant que les gens aiment. Dans le fond, le vêtement masculin est bien dû pour un sérieux rattrapage.



 

Le style ou la mode ?
 

Épilogue

Dans le fond, la mode est un hymne à l’esthétisme, à la beauté. Mais n’est-elle pas aussi un asservissement à des genres; à des codes sociaux marquant le rang, l’origine, l’appartenance ou même la richesse. Pour l’homme, l’histoire des couleurs de ses modes est en dents de scie; elle s’est déroulée des hardes noires et brunes des paysans, à l’exaltation des couleurs des nobles puis aux designs des uniformes des soldats (surtout les officiers) pour ensuite se tourner vers le kaki du camouflage.


Aujourd’hui, encore bien ancrés, le costume noir et la cravate grise trônent encore dans les milieux d’affaires, de commerce, en politique et en justice. Dans certains pays, le costard est même obligatoire dans beaucoup d’occasions. Ne pas le porter peut avoir de graves conséquences. Le porter, bien propre, le criminel peut même influer positivement sur sa peine.


Donc, l’habit fait le moine. Avec un beau costume noir, on est quelqu’un ! Et finalement, en y repensant, le noir c’est bien moins salissant.



Merci aussi à ceux qui n'ont pas lu.


 

RÉFÉRENCES

1

Georges Vigarello — Wikipédia


2


3


4

L’histoire des vêtements de travail


5



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