De la « courte paille » à des scrutins de millions d’électeurs, la démocratie a-t-elle perdu la voix ? Les systèmes électoraux sont-ils toujours la voie de la démocratie ?
Au début, pour choisir quelqu’un pour une corvée indésirable, on tirait à la courte paille. Mais quand on se retrouva à désigner quelqu’un pour représenter des milliers de personnes, on inventa la votation. Après avoir mis de côté le vote à main levée (qui désignait parfois plus des adversaires que des gagnants), on instaura le vote secret sur papier.
Tout allait assez bien jusqu’au jour où, les populations des pays devenant énormes, on commença à avoir des doutes sur le dépouillement des bulletins de vote. Un responsable de l’ouverture des bulletins pouvait très bien inscrire de faux résultats. On s’assura donc qu’il y est un membre de chaque parti lors de l’ouverture des bulletins.
Le trouble-fête
Avec le temps, le nombre d’électeurs de beaucoup d’États du monde atteignit les millions. Les dépouillements et recomptages devinrent problématiques. Heureusement, l’informatique émergeait et le milieu scientifique vint sauver les voix de la démocratie. En peu de temps, les systèmes électoraux de la planète entière se basèrent sur les ordinateurs pour compiler les gigantesques quantités de bulletins de vote.
Mais, encore là, on (les perdants surtout) commença à douter des processus par ordinateur. L’expertise en informatique étant de plus en plus un domaine de spécialistes, pouvions-nous nous fier complètement à ces magiciens de l’algorithme ?
Écris-moi
Afin d’accommoder les gens ne pouvant voter le jour du scrutin, on instaura le « vote anticipé ». On pouvait donc se prononcer quelques jours avant la date officielle. Mais la mesure qui améliora vivement la « sortie » du vote fut l’ajout du vote postal. Grâce à lui, des milliers de personnes avec peu ou pas de mobilité purent désormais se prononcer facilement.
Mais, là encore les doutes surgirent à l’effet que la poste n’était pas sécurisée et qu’il était facile, vu que l’action ne se faisait pas en personne, d’utiliser l’identité de quelqu’un d’autre (comme une personne décédée récemment).
Pourquoi les sondages ?
Avides d’informations, les médias ont vite compris qu’ils devaient trouver un moyen de traiter les élections au-delà du suivi des candidats. La réponse était de faire des sondages. À l'aide de consultations faites par des boîtes de communication, scientifiques ou pas, on jaugeait l’opinion publique.
En fait, les sondages sont des micros élections avec des questions pas toujours neutres. On y admet une marge d’erreur tout en sous-entendant une certaine justesse. Avant les élections on s’y appuie presque aveuglément, après, quand ils se trompent ont dit qu’on ne s’y est jamais fié.
Mais à quoi servent les sondages au-delà de nourrir les médias ? Est-ce que l’absence de sondages changerait les résultats électoraux ? Dans le fond, les sondages ne sont-ils pas des organes d’influence ? Change-t-on son allégeance parce que son candidat a mauvaise mine dans les sondages ? Prenons-nous une décision pour faire comme les autres ?
Si on s’arrête à scruter les processus de sondes des opinions, on se rend compte qu’il y a beaucoup de biais, de dérives. Par exemple :
· Le choix des participants, de couleurs, jeunes ou vieux, homme ou femme;
· Le nombre de personnes interrogées;
· La façon de consulter, par écrit, par téléphone, par internet;
· La tournure des questions;
· L’indépendance ou non des sondeurs;
· L’impartialité de l’organisme de sondage.
Certains disent qu’on devrait interdire les sondages avant les élections. Ils prônent que ces consultations publiques ne servent qu’à influencer le vote et que les électeurs devraient pouvoir choisir leurs dirigeants sans être influencés par les vrais ou supposés choix des autres.
L’argent comme carburant
Personne n’ignore le pouvoir de l’argent dans les processus électoraux. Et ce pouvoir est encore plus fort dans les pays qui n’appliquent aucune limite au financement des campagnes électorales.
Les États-Unis sont un bel exemple des dépenses considérables des partis. Le plus gros de ces sommes est investi en publicité, en rassemblements et en produits dérivés. Une très faible partie des sommes est destinée à la diffusion des politiques à venir
« Les candidats aux élections américaines de 2024 ont battu le record de collecte de fonds, amassant au total 15,9 milliards de dollars, selon l’organisation OpenSecrets1 qui a compilé les données. […] C’est aussi plus du double du cycle électoral de 2016, lors duquel 6,5 milliards de dollars avaient été dépensés. »2
Vote ou vente ?
Finalement, on se demande ce que seraient les élections sans l’utilisation des méthodes d’influence que se payent les concurrents.
Imaginons un scrutin n’utilisant pas :
· Les publicités négatives;
· Les sondages;
· Les produits dérivés;
· Les rassemblements partisans.
L’absence de ces éléments semble tout à fait impossible, mais l’hypothèse fait apparaître les influences qui orientent les électeurs au-delà de leur choix personnel. En un sens, on nous dit pour qui ne pas voter plutôt que le contraire. Paradoxalement, il est difficile d’imaginer un système qui permettrait d’influencer les gens seulement par l’élaboration des politiques anticipées.
La politique inféodée
Nous acceptons, de facto, d’être dirigés par des milliardaires. Relent des monarchies et des establishments, il y a peu ou pas de place pour les candidats non fortunés. Comme si les riches étaient plus aptes à gouverner. La descendance des élus n’est plus par le sang mais par les comptes en banque.
Et le pouvoir, souvent synonyme de richesse, attise la convoitise des seigneurs de guerre, des dirigeants militaires et des fascistes alléchés par le contrôle étatique et une pseudo noblesse.
Épilogue
Les processus électoraux sont rendus très loin du simple citoyen qui dépose son votre dans l’urne. Avant ce geste, d’immenses machines à influence s’activent. Brulant des milliards en dépenses qui n’ont souvent aucun rapport avec les politiques prônées. La voix du peuple est de plus en plus enrouée. En viendrons-nous à tout simplement donner les rennes au plus riche et économiser quelques milliards en influences futiles ? Peut-être.
Dans la prochaine chronique, nous verrons que bien des pays ont résolu la question du vote populaire : ils ont truqué les élections ou ils ont utilisé l’armée pour prendre le pouvoir. D’autres ont simplement utilisé la peur et ont facilement été élus par 99% des électeurs…
Merci aussi à ceux qui n’ont pas lu.
RÉFÉRENCES
1
2
Comments