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La mort, est-ce dépassé ?


Un des faits les plus implacables de l’existence humaine c’est bien la mort. On nait, on vieillit, on meurt. On est quelque chose, puis on n’est plus rien. On se rassure sans preuve qu’il y a surement un au-delà. Mais meurt-on vraiment ? Et si on ne mourait plus, pourrions-nous affronter l’éternité ?

Toute sa vie, l’écrivain québécois Claude Péloquin fut hanté par l’idée qu’au lieu de penser d’aller sur Mars, ses contemporains devraient chercher comment cesser de mourir. En ne mourant plus, un grand chercheur pourrait achever ses travaux au lieu que sa mort reporte en arrière ses recherches avant qu’un autre les reprenne tentant, lui aussi, d’atteindre les résultats finaux dans le court laps d’une vie.


« Vous êtes pas écœurés de mourir, bande de caves ! C’est assez ! »

Péloquin a étalé sa lubie en publiant le livre Chômeur de la mort*1, vibrant hommage à son rêve d’éternité. Mais la mort a écourté son chemin et ne reste plus de lui que ce graffiti gravé dans le ciment de la gigantesque œuvre murale du célèbre Jordi Bonnet à l’entrée du Grand théâtre de Québec. On peut y lire : « Vous êtes pas écœurés de mourir, bande de caves ! C’est assez ! »

Meurt-on vraiment ?

Dès les premiers humains, le fait qu’après la mort il n’y aurait plus rien a été perçu comme une absurdité. Comment pouvions-nous naître, passer à travers toute une vie et disparaître dans un néant obscur et insignifiant.

Apparut ainsi une multitude d’affirmations définissant comment c’était de « l’autre côté ». Nos bonnes amies les religions ne tardèrent pas à révéler où on allait après qu’on avait « cassé sa pipe ». Ainsi, c’était moins angoissant, car à partir de ce moment les bouddhistes se réincarneraient, les âmes aux problèmes en suspens reviendraient en fantômes, les musulmans jouiraient d’un grand nombre de femmes vierges, les hindouistes échoueraient doucement au Nirvana, les Vikings s’enivreraient pour l’éternité au Valhalla. Pour les tribus amérindiennes, le royaume des morts était une prairie ondoyante où ils chasseraient le buffle avec succès, feraient la fête et danseraient eux-aussi.

« Telle est la volonté de mon Père : que celui qui voit le Fils et croit en lui ait la vie éternelle, et moi je le ressusciterai au dernier jour »
Triptyque du Jugement dernier d'Hans Memling - 1466-1473

Les chrétiens eux, furent choyés en destinations du dernier voyage. En effet, après une vie évaluée par le bien et le mal, ils se voyaient octroyés l’un des trois forfaits offerts : le ciel, le purgatoire et l’enfer. On eut pitié des enfants et on créa les limbes. Et, en prime, tout ce beau monde retrouverait leur corps pour un grand party donné par Dieu et animé par Jésus lui-même : le Jugement dernier.


Donc la voie du Christianisme avait même un genre de plan de retraite garantissant rien de moins que la résurrection : Jésus ressuscite les morts (Jean 6, 40) : « Telle est la volonté de mon Père : que celui qui voit le Fils et croit en lui ait la vie éternelle, et moi je le ressusciterai au dernier jour »*2 On savait désormais à quoi s’en tenir. On marginalisa rapidement les philosophes qui prétendaient que, oui, il était possible qu’il n’y ait rien après l’existence humaine.


Bon voyage !

Mais une chose est certaine, quel que soit l’endroit où l’âme ou l’esprit ira, la personne nous quitte implacablement. Et tous ceux qui restent ne peuvent s’empêcher de faire une cérémonie pour marquer la disparition dans leur vie de quelqu’un qui, même s’il est le personnage central de la célébration, n’est « pas tout à fait là ».


« Quel que soit l’endroit où tu t’en vas, qu’il n’y ait rien ou tout, que tu reviennes ou pas, Bon voyage ! »

Funérailles de Victor Hugo

Déjà les Égyptiens organisaient des cérémonies mortuaires pharaoniques dignes de leurs sépultures pyramidales. Qui n’a pas vu au moins une procession funéraire grandiose durant sa vie ? En Asie, en Afrique, partout dans le monde on voit les cortèges chantant ou pleurant sous des tempêtes de fleurs. Les foules immenses lors de la mort de Victor Hugo, du président Kennedy, la liste de ces rassemblements humains se défile à travers les siècles. Toutes ces célébrations ont cependant quelque chose en commun, elle véhicule le même message : « quel que soit l’endroit où tu t’en vas, qu’il n’y ait rien ou tout, que tu reviennes ou pas, Bon voyage ! »

Au lieu de pleurer, fêter

En Nouvelle-Orléans, loin d’être en larmes, les participants aux cortèges funéraires dansent et chantent au son d’une fanfare aux sonorités entraînantes. Comme quoi les départs ne sont pas toujours mélancoliques. Le meilleur exemple est surement la vision de la mort au Mexique.

Le premier et le deuxième jour de novembre les Mexicains, une partie de l’Amérique centrale et du sud, célèbrent le Dia de Muertos. Lors de cette fête des plus courues, la mort est en vedette dans la joie et les festivités. Les costumes de squelettes et les crânes sont omniprésents. Cette exaltation et cette considération positive de la mort sont parties intégrantes de la culture latino-américaine.


« Cependant, l’Histoire mexicaine a quelque peu laissé en arrière les représentations précolombiennes du Dieu de la mort Mictlantecuhtli et de son chien Xoloitzcuintle. »

Mictlantecuhtli

Le film COCO de Walt Disney révèle aux enfants du pays des Aztèques la vision culturelle positive de « l’autre monde » avec l’histoire de ce petit garçon qui se retrouve au royaume des morts et y devient une vedette. Cependant, l’Histoire mexicaine a quelque peu laissé en arrière les représentations précolombiennes du Dieu de la mort Mictlantecuhtli et de son chien Xoloitzcuintle.


Mort survenant pendant le sommeil

Votre mort au menu

Sachant tous que, oui c’est le sujet, nous allons un jour rendre l’âme, faire couic, on s’encourage en se souhaitant une « belle mort ». Après avoir lancé la question morbide à un (faible et non scientifique) échantillonnage de personnes m’entourant, j’en suis arrivé à certaines constantes dans les souhaits de belles et mauvaises morts.

Les belles morts les plus citées sont : la mort survenant pendant le sommeil, la mort subite et la mort courte et sans douleur. Les décès les plus redoutés eux font légions, personne ne pouvant s’empêcher dans citer trois ou quatre : mourir brûler, noyer, dans d’horribles souffrances, guillotiné ou agoniser des années en souffrance. Mais hélas, comme beaucoup de choses imposées par la vie, on aura tous une fin qu’on la choisisse ou pas, ce n’est pas écrit, mais c’est inéluctable.


Le retour de Frankenstein

Certains penseurs ont comparé l’humain à une automobile. Le corps étant la carrosserie et l’esprit le moteur. Avec le temps la carrosserie se détériore tellement, que même si le moteur ronronne encore comme un chat heureux, on jette tout l’ensemble. Chez l’homme, nous sommes sans doute à un pas de changer l’équation avec les bioplastiques, les prothèses de plus en plus sophistiquées et la possibilité de greffes s’enrichissant chaque jour de nouveaux organes artificiels.

« Selon la vitesse de la détérioration de notre carrosserie, on pourrait décider de faire transférer notre esprit vers un beau corps tout neuf. »

Et si on construisait un corps synthétique à qui transférer notre esprit, un Frankenstein moderne ? Selon la vitesse de la détérioration de notre « carrosserie », on pourrait décider de faire transférer notre esprit vers un beau corps tout neuf. Certaines métamorphoses permettraient de sauver la vie de la personne dont le corps serait condamné. Plus de mal nulle part, plus de maladie, une petite rencontre de mise au point et d’entretien tous les 200 jours ou 10 000 kilomètres, celui qui arrive en premier. Et l’éternité devant nous.

Mais l’éternité, c’est long !

Bon l’éternité ce serait pratique, on ne perdrait plus jamais son temps. On pourrait remettre une tâche à dans 100 ans, retrouver ses clés perdues il y a110 ans, enfin avoir le temps de faire lentement le tour du monde sans parler des économies en assurance vie, en testaments et en funérailles.

MAIS, la machine humaine a été conçue avec une date de péremption. Évidemment, la longévité sans fin aurait un effet sur cette loi qui, depuis l’aube de l’humanité, régule les existences. Pour l’humain, la vie sans fin deviendrait probablement une existence sans but ultime. Un projet qui aboutit après 125 ans ne nous intéresse plus depuis 50 ans, les entreprises non achevées, laissées en plan, sont là dans une attente de plus en plus lourde. On ne peut plus dire : « Bien, je serai mort quand ça arrivera ! ».


Dans son livre Space Wanderer *4, l’auteur américain, Kurt Vonnegut, nous donne une version de ce qui pourrait se produire dans la vie d’un éternel. Face au fait qu’il ne meurt jamais, le personnage finit par ne plus pouvoir supporter le poids de lendemains sans fin. Il décide donc de se créer un événement butoir. Après qu’il aurait trouvé la réponse à une certaine question, il se ferait démembrer (seul moyen de le tuer). Il entreprend donc de chercher la réponse à la question : « Pourquoi l’humain naît, souffre et meurt ? ». À la fin de l’histoire, la réponse est : « C’est absurde. » et le héros peut enfin mourir.

R.I.P.

Donc, ici git la fin de cette chronique. On ne fera jamais vraiment le tour de la question, comme la lune, la mort a sa face cachée. La différence c’est qu’apparemment, on n’en revient jamais. Devant ce mystère qui persiste, l’humain continuera à faire des adieux, les fêtes continueront dans les multiples paradis. On continuera à chercher l’éternité même si peut-être ce sera une pire fin que la mort. Requiescat In Pace.

Merci aussi à ceux qui n’ont pas lu.



 

Références

*1


*3

*4

NDL : Kilgore Trout est un pseudonyme que s’est attribué l’auteur américain Kurt Vonnegut

COCO (2017) 🎬 La Mejor PELICULA de DISNEY PIXAR del DIA DE LOS MUERTOS en MÉXICO en ESPANOL Latino

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MERCI

Merci à Elena Limón pour son aide à propos de la vision mexicaine de la mort dans son pays.



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