
L’orgueil
L’orgueil est juché au salon
Il ajuste le bord de son collet
D’un oeil, vérifie son buste rond
Fait tinter les bijoux de ses poignets
Il est là, car il y a la galerie
Tous les iris colimatent sur lui
À ses pieds les genoux se plient
Les mains convoitent ses dentelles
Il respire ces yeux d’admiration
Il jouit de l’envie de ses paires
Il traverse, sans vieillir, les saisons
Tous l’envient et souhaitent lui plaire
Mais pour l’orgueil, aucun mérite
Cette admiration lui est bien due
Le monde autour de lui gravite
De lui-même il ne peut qu’être imbu
L’avarice
L’avarice est au grenier
Comme chaque matin
Comptant son or papier
Jouissant de son butin
Elle consigne ses argents
Sur un petit papier
Qu’elle efface et reprend
Une fois par année
Elle n’a qu’une seule assiette
Qu’un gobelet d’étain
Elle ramasse les miettes
Pour en refaire un pain
Pour elle tout est trop cher
Elle vit de secondes mains
Bazars, souks et enchères
Seules sources de tous ses biens
Tous ses vêtements sont noirs
Car c’est moins salissant
Tout entre dans un tiroir
La variété c’est trop coûtant
Quand à sa porte, un pauvre
Tend la main, demande des sous
Elle le traite de voleur, de fauve
Claque la porte et le verrou
Elle récupère son compost
Se chauffe de ses déchets
Son internet c’est la poste
Elle n’a pas de carte guichet
Pas de téléphone, pas d’auto
Libre d’assurances et de forfaits
Pas de factures pas de photos
Pas de conflits, pas de procès
L’avarice reste sur sa faim
Se nourrir a trop coûté
Elle ne mourra pas de faim
Mais bien de pauvreté
La paresse
La paresse est affalée
Dans les oreillers de son lit
À quoi bon se lever
Tout est si loin d’ici
Dans son royaume couché
Des tables de chevets
Pour ne pas se lever
Tout ce qu’il faut y est
Elle se fait tout livrer
Pilules, pizza, épicerie
Dit au livreur d’entrer
D’aller jusqu’à son lit
Et si elle doit sortir
Quelle dépense d’énergie
Marcher la fait souffrir
Vite retour au logis
Elle a un jour travaillé
Le lendemain fut malade
S’est déclarée handicapée
Pour elle l’effort c’est la noyade
L’hypocondriaque
L’hypocondriaque se sent mal
Il vient de lire sur le cancer
Imagine la phase terminale
Se voit en ligne pour l’enfer
La peur de la souffrance, de la mort
Il l’a vécu, l’a craint toute sa vie
Que des maladies, que des remords
Que des diagnostics contredits
Aussitôt qu’apparaît une nouvelle maladie
Le malade imaginaire étudie les symptômes
Il se tâte, s’ausculte et le mal l’envahi
Persécuté, suivi par les nouveaux syndromes
Le lendemain de l’apparition du coronavirus
Le faux malaisé en lut tous les effets
Il les avait tous, en était certain, mordicus
Il allait souffrir, sans remèdes jusqu’au décès
Apparurent des tests de détection du covid
Notre indisposé s’en procura plusieurs
Tous les résultats négatifs, c’était limpide
La science prouva l’absence du virus tueur
Convaincu, c’était certain, qu’il y avait erreur
Il retourna, en protestant, les tests défectueux
La pharmacienne le regarda avec stupeur
Et lui dit qu’il devrait plutôt en être heureux
Concluant à l’incompétence du réseau de santé
Il prit rendez-vous chez plusieurs médecins
Convaincu qu’au moins un lui dirait la vérité
Mais rien, pas de virus pas de cancers bénins
L’absence de maux le rendait malade
D’ailleurs la parfaite santé était impossible
On lui cachait du pire, l’affreuse escalade
Afin d’épargner son cœur trop sensible
Devant son ordinateur, les symptômes il cherche
Des traumatismes, des infections des maladies
Sur le mur tout autour de son écran se perchent
Les images des décédés qui ont ponctué sa vie
Une vie de méfiance, de soupçons, d’inquiétudes
Une existence perdue à chatouiller le malheur
L’hypocondriaque a beau fouiller, faire des études
Il ne sera guéri qu’après sa dernière heure
L’obsédé
Il ne marche jamais sur les carreaux noirs
D’un plancher au motif en damier
Il évite de piétiner les fentes du trottoir
Il chemine toujours regardant ses pieds
Quand on lui parle en trop s’approchant
Il ferme les yeux et cesse de respirer
Craignant tous ces microbes virulents
Il pense un jour, bientôt, à s’isoler
Il ne peut prendre le bus, le métro
Il s’y sent reclus, séquestré, prisonnier
Il sort parfois pour aller au resto
Fenêtre ouverte du taxi pour respirer
Il ne mange rien qui a des os
Il craint le gluten et toutes les noix
Il mange frugalement bio
Pas d’eau gazeuse ni d’alcool il boit
Quand il se lave, chaque jour quatre fois
Il déballe à tout coup un nouveau savon
Et pour se brosser les dents il doit
Changer brosse à chaque session
La tête de son lit doit être au nord
Les miroirs sont recouverts de rideaux
Autour des fenêtres voilées d’or
Des gousses d’ail comme des grelots
Dans ses armoires tout est bien rangé
Les conserves sont classées par grandeur
Pas grand-chose dans le garde-manger
C’est l’ordre établi dans le congélateur
Quand il mourra, c’est décidé
Il veut être coupé en petits dés
Qu’on insérera, tous bien classés
Dans un cercueil en petits carrés
Merci aussi à ceux qui n’ont pas lu.
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