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Comment devenir pauvre





Devenir pauvre n’est pas si aisé qu’on croit. Voici donc un guide qui vous dirigera infailliblement vers cette itinérance sans abri que vous convoitez.

  

Vous êtes riche, millionnaire, vous avez tout et plus rien ne vous excite ? La classe moyenne ne vous va pas ? Devenez pauvre. Vous découvrirez une vie palpitante, des aventures quotidiennes, des lendemains imprévus, une vie instable et une existence invisible à l’écart de la société de consommation.

 

Le guide

Pour faciliter la consultation de ce vade-mecum, nous avons séparé les éléments en deux grandes classes : A) guide du riche et celui de B) la classe moyenne.

 

A)   Richissime

Devenir pauvre pour le riche est une entreprise ardue. D’une part, beaucoup de riches n’ayant jamais été sans le sou n’ont aucune expérience pratique de la pauvreté. Cependant, en suivant les directives de ce guide, la « démunition » est garantie.

 

1-  Donnez allègrement à des fondations humanitaires de toutes sortes.

2-  Investissez dans des comptes de crypto monnaies non sécurisés.

3-  Jetez de l’argent par les fenêtres.

4-  Ne payez plus aucun compte ni aucune facture.

5-  Quand vous retirez de l’argent à un guichet automatique, énoncez à haute voix votre code secret.

6- En auto, ivre, tentez d’obtenir le plus de contraventions possible.

7- Ne payez plus vos impôts ni vos contraventions.

8- Faites une vente de débarras de tout ce qu’il y a dans votre domicile.

9- Donnez votre maison à d’autres riches qui stupidement veulent le rester.

10- Louez un appartement d’une pièce (dont vous ne paierez pas le loyer).

11- En un rien de temps, vous serez dépouillé et glisserez vers le seuil d’en bas.

 

Et voilà !

Félicitations, vous êtes maintenant prêt à accéder au niveau inférieur.

 

B)   Classe moyenne

Pour la classe moyenne, devenir pauvre est relativement plus facile. Il faut préciser qu’en ne faisant aucun changement, la descente vers la pauvreté se fait automatiquement étant donné l’appétit insatiable du système capitaliste. La pauvreté grandit inversement à la progression de l’inflation. Mais pour ceux qui désirent accélérer la dégression de ses moyens, voici donc des directives qui devraient vous permettre de devenir démunis assez rapidement.


1- Si vous êtes propriétaire d’une maison, ça part mal. Vous devez vous en départir. Il est vrai que de toute façon, avec les taux d’intérêt constamment grimpants, vous finiriez par la perdre. Mais ça peut prendre un certain temps.

 

Il est conseillé de la vendre à rabais ou, après avoir annulé vos assurances, d’y mettre le feu ou de la faire exploser (ce qui vous évitera de faire une vente de feu).

 

2- Louez un petit appartement (dont vous ne paierez pas le loyer).


3- Évidemment vous devez quitter votre (ou vos) emploi. Ici, il faut prendre soin de se faire mettre à la porte afin de ne pas être éligible à des prestations de l’assurance emploi.

 

Les bonnes méthodes de se-faire-mettre-dehors consistent à critiquer la direction, voler de la marchandise à la vue de tous, ne jamais entrer à l’heure, prendre des congés sans avertir ou, tout simplement, militer ouvertement pour l’instauration d’un syndicat.

 

4- Quand vous n’aurez plus d’emploi, la cascade deviendra plus rapide. La prochaine étape consiste à perdre son logement. Somme toute, assez facile si on sait bien comment s’y prendre.


Il faut porter attention aux lois qui pourraient entraver votre projet et protéger votre droit au logement. La tactique du bruit + party tard la nuit + non-paiement du loyer afin de vous faire expulser a le défaut de prendre une éternité à se régler au tribunal; vous ne voulez pas ça.

       

Le meilleur moyen est de harceler votre propriétaire afin qu’il baisse le loyer, demander constamment des améliorations et des réparations ridicules, créer des mésententes avec les voisins. Et si cela ne fonctionne pas, allez-y franchement et suggérez-lui de vous expulser en lui offrant de l’argent pour ne pas aller en justice.

 

NOTE : si vous avez une famille, vous devrez faire des concessions, car la rue est bien difficile avec des enfants. Nous vous recommandons deux solutions :


a) Vendre votre famille à un camp de travail en Chine ou en Russie

b) Entrer dans une secte religieuse avec femme et enfants. Vous y atteindrez la pauvreté en donnant tous vos biens à la communauté et vivrez heureux, démunis et adorant le gourou pour le reste de vos vies.

 

5- Maintenant que vous êtes dans la rue, un nouveau monde s’ouvre à vous. La formation à l’itinérance dure environ un mois. Elle consiste à :

 

a. Tout d’abord, débarrassez-vous de toutes vos cartes de crédit ou bancaires. Prenez bien soin d’annuler toutes vos assurances.


b. Trouver un dessous de pont ou un bâtiment abandonné où vous pourrez vous installer confortablement

c. Repérer un édifice public ou un restaurant où vous pourrez aller aux toilettes. De préférence, sélectionnez un endroit doté d’un lavabo

d. Vous équiper de l’incontournable panier d’épicerie (ils viennent en trois grandeurs, la « milieu de gamme » est le meilleur choix



e. Établir une liste des soupes populaires et des comptoirs de gratuités pour les sans-abri


f. Étendre votre réseau d’approvisionnement aux divers bacs à déchets des épiceries des alentours

g. Assurer vos petites dépenses en quêtant. La récolte de canettes et de bouteilles recyclables constitue un atout certain. Si vous habitez une grande ville, le nettoyage des parebrises aux grandes intersections peut rapporter beaucoup tout en vous gardant en forme

h. Établissez un réseau de contacts en allant parfois dormir dans les centres d’hébergements pour itinérants. Ces derniers pourront compléter votre carnet de ressources alimentaires et vestimentaires

 

Bravo vous avez réussi !

Et voilà, vous y êtes. Le retour aux sources, à la base, au confort du fond du baril. À mesure que vos vêtements se saliront et se détérioreront (vous pouvez les aider un peu), vos quêtes s’amélioreront. Ne pas trop sentir bon est aussi important.


Quand on quitte la classe moyenne, c’est de plus en plus vers le bas. Vu qu’il n’y a pas de dénomination pour la classe inférieure on a créé l’expression « sous le niveau de la pauvreté », expression-valise contenant les termes sans-abri, itinérant, SDF (sans domicile fixe), mendiant et vagabond.


Les bénéfices

Après tous ces efforts, vous méritez bien d’être récompensé. Le premier enchantement est la liberté. Maintenant que vous êtes sans attaches, commence la vie enrichissante de la pauvreté. En voici quelques bénéfices :


Vous n’êtes plus sollicité par personne

  • Vous ne recevez plus d’appels frauduleux, car vous n’avez plus de téléphone

  • Vous ne recevez plus d’avis de chèque sans fonds de la banque, car vous n’y avez plus de compte

  • Plus de harcèlement des compagnies de cartes de crédit, car vous avez brûlé vos cartes

  • Plus de courriels frauduleux ou de piratage de vos comptes Facebook et autres, car vous n’avez plus d’ordinateur

  • N’ayant plus d’auto, fini les frais d’assurances, de réparations, d’essence, de permis de conduire et d’immatriculation

  • Plus de formulaires à remplir pour le paiement des impôts ou pour les statistiques

  • Plus d’adresses, de numéros de téléphone, de mots de passe à se souvenir

  • Plus besoin d’être « présentable » et d’arborer une bonne attitude en société

  • Libération de votre espace mental par l’absence d’informations locales et internationales

 

 

Épilogue

Quand on n’a rien, un peu c’est beaucoup. Les États providences n’arrivent plus à fournir les services publics essentiels et la marche descendante vers l’itinérance est de plus en plus courte. La classe moyenne marche, sans filet, sur un fil économique de plus en plus ténu au-dessus du ravin de la pauvreté.

 

Comme une vapeur, la richesse est montée vers le haut d’où quelques milliardaires ne regardent jamais en bas. L’économie mondiale s’est polarisée en deux niveaux, les très très riches et les très très pauvres.


La pauvreté s’annonçant comme le statut majoritaire des sociétés modernes, mieux vaut s’y faire en s’y préparant et en découvrant la richesse du peu qu’on a.

 

Merci aussi à ceux qui n’ont pas lu.


 

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