Le concept du temps est abstrait. Invisible, imprévisible, d’une durée différente selon la circonstance, l’individu. Le temps a mille facettes. Parfois passé, parfois futur, mais toujours présent. Prenons un peu de temps, quelques instants, pour faire le tour du temps durant un moment.
Mot fourre-tout
Quand on monte une liste de toutes les expressions françaises utilisant le mot temps, on a l’impression qu’il s’agit du vocable qui se retrouve dans une majorité de nos élocutions journalières. *1 Ce mot étrange, qui au singulier prend un « s », traîne depuis des siècles une radicelle de sa racine latine « tempus ».
Dès le début de la langue française (de même que pour la plupart des langues), on créa les temps de verbe afin d’exprimer le passé, le présent et le futur. De là surgirent les temps simples et les temps composés : je suis, j’ai été. Et pour quand on n’était pas certain, on inventa le conditionnel. Pour la possibilité que quelque chose arrive, on lança le subjonctif : « Si j’avais su qu’il était possible qu’il puisse faire cela ». Oublions ici le passé du conditionnel première et deuxième forme, le futur simple et antérieur et l’imparfait du subjonctif. « J’eusse cru que nous mangeassions, mais il aurait fallu que tu nous servisses à temps ».
Les temps anciens
À l’aube de l’humanité, le temps était simple : le jour et la nuit. Puis, on s’aperçut de la régulière apparition d’un immense rond blanc dans le ciel nocturne. On venait de découvrir les mois.
« En voyant ses proches changer avec le temps, l’humain commença à compter les lunes à partir des naissances; il venait d’inventer l’âge. »
Ce fut ensuite l’attente qui fit apparaître la notion de longueur du temps. Parti à la chasse depuis longtemps et parti à la chasse depuis trop longtemps faisait la différence entre il reviendra ou il est mort. En voyant ses proches changer avec le temps, l’humain commença à compter les lunes à partir des naissances; il venait d’inventer l’âge.
À la bonne heure
L’apparition de l’heure, comme unité de mesure du temps, n’apparut qu’avec le cadran solaire, cet outil, créé par les Babyloniens, mais aussi retrouvé en Chine, en Égypte, en Mésopotamie et chez les Incas. Grâce à ce cadran, qui ne fonctionnait que le jour, les humains commencèrent à organiser leurs journées. Il venait également d’inventer le stress et la « course aux échéances » plus communément appelée la « course du rat » (visualisez ici dans votre tête un rat courant à l’intérieur d’une roue qui tourne sans fin).
« Il venait également d’inventer le stress et la « course aux échéances » plus communément appelée la course du rat ».
Mais vivre au jour le jour devint vite dépassé. On avait l’impression de perdre son temps. On décida donc de rattraper le temps perdu en inventant le calendrier. Le premier calendrier fut élaboré au troisième millénaire avant Jésus-Christ en Mésopotamie # ; basé sur les mouvements lunaires, les Égyptiens le remplacèrent par une version établie sur les cycles solaires. Finalement, ce ne fut qu’à la fin du quinzième siècle que le pape Grégoire XIII instaura le calendrier grégorien que nous utilisons encore aujourd’hui.
#( correspond à la majeure partie de l'Irak d'aujourd’hui)
L'emploi du temps
Le calendrier arrivait juste à temps, on n’allait plus passer son temps à s’en faire pour les choses qu’on oubliait tout le temps. On pouvait maintenant planifier des événements dans le temps, fixer des anniversaires, des fêtes religieuses, des célébrations de début d’une nouvelle année. Le calendrier permettait enfin de perdre moins de temps et de prendre le temps pour organiser son temps. Associés au mois de l’année, s’accolèrent les : temps des fleurs, temps des lilas, temps des moissons, temps des vacances, temps des sucres, temps des fêtes, etc. *2
Des temps difficiles
Mais il y eut aussi des temps durs. Depuis les temps ancestraux, en temps de guerre on passait son temps à se battre pour accéder à un temps de paix. Au temps du choléra pour le contaminé, le temps était compté. Le mauvais temps aussi rendait la vie difficile avec ses tempêtes et ses catastrophes naturelles. Ça prit bien du temps avant qu’on arrive à mieux se protéger. Mais ces épisodes de malheurs sont et seront encore là de temps en temps.
Les airs du temps
Après l’amour, le temps est le thème de chanson le plus utilisé. De tout temps, on l’entend, de Ferré à Aznavour, de Renée Claude à Isabelle Pierre, des Rolling Stone à Pink Floyd en passant par toutes les chansons qui parlent du temps des Fêtes…
« Combien de nos souvenirs sont portés par une chanson, un air bien précis ».
Les artistes ont passé beaucoup de temps à chanter le temps. Les musiciens, à compter les temps. Dans les arts, le temps a été là tout le temps. Combien de nos souvenirs sont portés par une chanson, un air bien précis. Combien de beaux moments nous évoquent certaines œuvres d’art. L’art sème des pierres blanches dans les temps de nos vies.
Le temps d’une chanson
Le temps c’est de l’argent
Dans la chronologie du temps, la transformation la plus remarquable vint de l’association du temps et de l’argent. Le salaire horaire changea complètement une grande partie de la civilisation moderne. À partir de ce moment-là, si son labeur ne rapportait rien, on perdait son temps. La nouvelle équation (T×$) « temps de travail multiplié par une certaine somme d’argent » était née.
Pour le travail, on créa le temps complet, le temps partiel, le temps supplémentaire, le temps partagé et même le temps double ou triple (T2×$ - T3×$ - T1/2×$) . Évidemment, tous ces adjectifs déterminaient une échelle de salaire et, par extension, une hiérarchie sociale basée sur combien vous « rapportez ». Un « quarante heures semaines à 12$ de l’heure » est, de facto, considéré inférieur à un « 20 heures semaine à 50$ de l’heure ». Je m’en voudrais de ne pas souligner que l’équation continua à évoluer nous donnant des : (T×$-T÷45%) et, éventuellement (T×$∑TX-12%÷T7,5÷5%).
« Comme ci c’était plus normal de faire 700 000$ par année avec un bonus de cinq millions en prime de dévouement. ».
La rémunération exorbitante de certains postes de dirigeant atteignant des sommets qu’on n’avait pas prévus, on instaura des primes de gratification, des bonis et des récompenses, car il devenait presque immoral de déclarer, par exemple, un salaire de 50 000$ de l’heure. Comme ci c’était plus normal de faire 700 000$ par année avec un bonus de cinq millions en prime de dévouement. On ne peut que se remémorer, avec un grand soupir, les temps anciens où le troc était dans l’air du temps.
Épilogue
Finalement, avec le temps, on a fini par prendre le temps de vivre malgré les temps durs et les temps obscurs. On a virevolté sur des danses à deux et à trois temps, on a chanté d’innombrables chansons évoquant le temps. On a consacré du temps à la lecture, à l’écriture, à la musique, à l’art. On a rattrapé le temps perdu, continué à se payer du bon temps, et ce même quand on n’en avait pas le temps.
Merci aussi à ceux qui n'ont pas lu
*1
Vie | Références des Français – Expressions avec le mot temps
*2
iCalendrier - Historique des calendriers
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