On dit que tout homme a un prix. À combien est évalué l'humain, en argent et en valeurs, d'hier à aujourd'hui ?
Combien valez-vous ?
Tout d'abord, afin d'évaluer la valeur marchande de l'être humain, il faut considérer deux visions différentes de la vie elle-même. On peut « donner sa vie » pour une cause, une religion, exprimant ainsi une détermination dont on ne croyait pas l'humain capable. De l'autre côté de l'échiquier, il y a la valeur monétaire de l'homo erectus. Des marchés d'esclaves à l'évaluation de la valeur d'un membre, en passant par les génocides, l'homme vaut de milliers de dollars à aucune valeur.
L’honneur ou la vie
Certaines civilisations prônaient une philosophie de vie basée sur l’honneur et la dignité; le respect de ces valeurs dominait leur existence. Au Japon, on payait de sa vie une erreur en se faisant Harakiri. En Asie, des gens s’immolaient par le feu pour une cause. En Europe on jetait le gant afin de régler en duel un déshonneur. De même que les duels des cowboys qui visaient à sauver son honneur et à imposer sa supériorité.
Les vies en offrande
Les vies eurent aussi valeur d’offrandes. Les civilisations précolombiennes d’Amérique immolaient, entres autres, de jeunes vierges sur l’hôtel. Bien des existences furent éliminées par les cultes et religions qui les offrirent en cadeaux à leurs divinités.
« Un des côtés obscurs de l’homme est sa capacité de considérer autrui comme tellement inférieur qu’il est permis de l’éliminer sans scrupules. »
Ceux qui ne méritent pas de vivre
Un des côtés obscurs de l’homme est sa capacité de considérer autrui comme tellement inférieur qu’il est permis de l’éliminer sans scrupules. On ne peut s’empêcher de penser à l’élimination des juifs lors de la Deuxième Guerre mondiale, suivi plus tard du génocide au Rwanda. Dans ces deux cas, la culture d’origine d’un individu déterminait s’il vivait ou non.
L’esclavage, un marché lucratif
Comme, malheureusement, on connaît l’humain, ça n’a pas pris longtemps qu’il vit un profit à monnayer la vie. L’esclave apparut dans l’économie comme tout autre produit répondant à l’offre et à la demande. Des millions de noirs furent déracinés et utilisés comme du vulgaire bétail. Les experts estiment que près de 13 millions de personnes ont été enlevées et vendues comme esclaves par des marchands professionnels entre le quinzième et le dix-neuvième siècle. D’après l’Organisation Internationale du Travail des Nations Unies, au moins 21 millions de personnes dans le monde seraient aujourd’hui victimes d’une forme d’esclavage moderne. *1
« Les experts estiment que près de 13 millions de personnes ont été enlevées et vendues comme esclaves par des marchands professionnels entre le quinzième et le dix-neuvième siècle. »
« À elle seule, la France a transporté aux Antilles, depuis ses ports, en toute légalité et avec l’appui de l’État, entre 1635 et 1831 environ 1 200 000 personnes (Africains arrivés vivants) ». *2
Aux États-Unis, à partir du milieu du seizième siècle, furent orchestrés l'enlèvement et l'acheminement de 12,5 millions de personnes depuis l'Afrique pour être vendues dans des ports américains. En 1860, un recensement aux États-Unis dénombrait près de quatre millions d'esclaves dans le pays. *3 et *9
Grande vente d’esclaves
Le marché des esclaves fut conçu en s’inspirant du commerce du bétail. La race considérée
comme inférieure ne possédait pas d’âme. Sa seule valeur résidait dans sa capacité d’accomplir des tâches docilement et sans salaire. La triste histoire de l’esclavage, écrite par les blancs, a désigné les noires comme une race prédestinée à l’avilissement. Ils ouvraient ainsi la voie à une discrimination qui fut fatale pour les ethnies choisies. Des résultats de cette ségrégation retentissent encore les échos aujourd’hui.
Comme toutes activités mercantiles, le commerce des esclaves dut établir un standard de prix pour l’être humain. Des critères furent établis afin de créer une échelle de valeurs en fonction de la qualité du « produit ».
Des esclaves aujourd’hui ?
Quand on parle d’esclavage, la plupart des gens croient que cette forme d'asservissement n’existe pratiquement plus sur la planète. Mais la consultation de recherches par les organismes de protection des droits humains révèle que la traite des humains est encore bien présente sur le globe.
Les prix d’un marché juteux *4
Les tarifs d’un humain peuvent varier selon l’âge, le sexe ainsi que le pays d’origine. Que ce soit pour en faire un enfant soldat, une future mariée ou encore une prostituée, les raisons de ce trafic sont multiples.
La liste ci-dessus est difficile à publier, on dirait un menu de cannibales, mais, malheureusement, c’est bel et bien une réalité.
Un bébé au Nigeria : 4 924 €
Un bébé en Chine : 6 001 €
Un bébé en Malaisie : 5 069 €
Un bébé dans le Nord Caucase (Russie) : 13 465 €
Un enfant en Chine : 4 693 € pour les garçons, 384 € pour les filles
Un enfant au Ghana : 38 € aux parents, puis 230 € au trafiquant
Un enfant en Inde : 34 € (un buffle se vend 269 € en Inde)
Un enfant en Irak : entre 230 € et 4 232 €
Un enfant au Mali : 461 € pour un enfant soldat
Un enfant en Thaïlande : 19 € pour louer un enfant mendiant
Un enfant au Royaume-Uni : 19 236 €
Un Yéménite : 769 € pour une livraison en Égypte
Un Canadien : 3 754 € (payé par un proxénète à un trafiquant)
Une adolescente irakienne : 3 847 € pour une vierge, 1 923 € pour une non-vierge
Une adolescente québécoise vendue en Ontario : 4 608 €
1 € = 1,56 Dollar canadien
Chiffres de juin 2013 *4
3 500 $ mort ou vif
Tué quelqu’un pouvait rapporter beaucoup au Far West. C’était le quotidien des chasseurs de primes pour qui le crime était payant. On disait bien mort ou vif, mais c’était beaucoup plus facile de ramener le trophée sans vie. Ici, le prix était établi en fonction de la dangerosité et des crimes commis par le « recherché ». Par exemple, on offrait bien 3 500 $ pour la tête de Butch Cassidy, mais de tenter d’occire celui-ci risquait fort de vous coûter la vie.
« L’humain a été, et est toujours, acheté et vendu, dans son intégralité, mais également en morceaux. »
En pièces détachées
L’humain a été, et est toujours, acheté et vendu, dans son intégralité, mais également en morceaux. L’apparition des biomarchés ou marché d’organes à transplanter montrent que le sujet est de parfaite actualité, et pose la question de l’évaluation, des dispositifs et des formes de valorisations marchandes du corps humain. La plupart des êtres humains peuvent vivre après avoir perdu un poumon, les intestins, un oeil, une partie du foie ou un rein. Selon PopSci.com, en Inde, le prix d'un rein est de 20 000$, en Chine, de 40 000$, et en Israël, de 160 000$.*7
La vente d’organes humains étant interdite dans beaucoup de pays on vit apparaître un marché noir, en pleine expansion depuis les années 1980. Un corps humain est actuellement estimé à 220 000 dollars. En 2003, le Prix Nobel d'économie Gary Becker a calculé le prix du marché d'un rein pour un Américain moyen: 45 000 dollars. Le même organe en coûte 20 000 de moins en Chine, où l'on peut aussi acheter un foie pour 40 000 dollars et une cornée pour 5 000 dollars.
Le tourisme de la transplantation toucherait une dizaine de pays, selon des rapports établis par les ONG Amnesty International et Organs Watch: Brésil, Bulgarie, Haïti, Inde, Mexique, Moldavie, Mozambique, Pakistan, Paraguay, Pérou, Roumanie, Salvador et Turquie. Des milliers de greffes illégales seraient ainsi effectuées chaque année au profit de riches clients.
« Pour les compagnies d'assurances, le prix d’une vie perdue s’évaluait selon la prime payée par le client. Le décès pouvait rapporter de 60 000$ à 500 000$. La perte de chaque membre avait un prix. »
Assurez-vous
Un autre marché lucratif éclora : les assurances vie et pertes de membre. Les compagnies d’assurance de personne ne tardèrent pas à offrir des polices d’assurance visant à compenser la perte d’un être cher. Le prix d’une vie perdue s’évaluait selon la prime payée par le client. Le décès pouvait rapporter de 60 000$ à 500 000$. La perte de chaque membre avait un prix. Seul le suicide annulait le contrat.
Pour les pays n’ayant pas d’assurance maladie gouvernementale, les gens devaient se prémunir d’une assurance personnelle dans le but de pouvoir se prévaloir de soins médicaux afin de ne pas mourir d’une maladie ou d’un accident. C’est là que la valeur d’un membre prit toute son importance. En effet, on saisit l’ampleur du désarroi d’une personne qui a perdu deux doigts et qui, n’ayant pas assez d’assurance ou d’argent, doit choisir quel doigt il désire se voir greffer. On peut voir des dizaines de ces cas dans le film Sicko de l’Américain Michael Moore. *8
Donc, combien valons-nous ?
Afin d’estimer notre valeur, il faut choisir entre deux classes de tarifs : notre valeur en pièces détachées et notre valeur intégrale. Si vous avez un bon foie, de bons reins, une cornée parfaite et un cœur en santé, votre valeur en vrac est considérable. Pour votre valeur intégrale, votre étiquette de prix est variable selon ce à quoi vous pouvez servir. Les hommes forts et les femmes séduisantes décrochent le gros prix, les autres sont destinés aux ventes d’aubaines. Vous pourriez toujours penser à vous louer, mais c’est un autre sujet.
Esclaves de nos questions
Le marchandage des existences a, tristement, toujours existé. L’évoquer a un goût amer et éveille en nous de multiples interrogations. Pouvons-nous y changer quelque chose ? Y aura-t-il un jour une gestion planétaire afin d’éliminer cette tare ? Arriverons-nous un jour à une égalité de la valeur des vies ?
La seule bonne chose qui en résulte, c’est la révélation de l’importance de la liberté, du droit à l’équité et de la valeur inestimable de toutes les vies qui soient.
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