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Tu speak encore french ?



Dans beaucoup de pays de la francophonie, l’influence de l’anglais sur le français est indéniable. Le cas du Québec en est un triste exemple. Qu’en est-il vraiment ?

 


Prise de Québec, 13 septembre 1759. Hervey Smyth.

À la différence de ses frères francophones du monde, le Québec est complètement submergé par l’influence de l’anglais. Depuis le XVIII siècle, après la conquête britannique, la présence anglo-saxonne a envahi la province francophone et n’a cessé de s’étendre sur tout le continent. De sorte que l’anglais s’est infiltré par la force du nombre de locuteurs en constante croissance.

 

La langue du pouvoir

À partir de la conquête britannique, le Québec vit les installations de la France disparaître et être remplacées par des institutions anglophones. C’était le début d’une longue agonie marquée par une langue française devenue secondaire.


Le commerce et les patrons étant devenus anglophones, les Québécois n’eurent guère le choix et durent s’adapter. Surtout que les convertis à l’apprentissage de l’anglais avaient de plus grandes chances d’avancement. De sorte qu’en à peine un siècle, la langue française de l’Amérique s’est métamorphosée en un dialecte mêlant les deux langues.



L’anglais mur à mur

Parmi les phénomènes de conversion les plus forts, l’affichage est sans conteste au premier rang. Dans les années 50, à Montréal toutes affiches commerciales et municipales étaient en anglais. Sur les camions des services publics était inscrit « City of Montreal ». On entendait des gens dire qu’ils allaient à la « Post Office » pour aller chercher leur « mail » ensuite à la « grocery » faire des « commissions ».

 

Le milieu manufacturier, entièrement possédé et géré par des propriétaires anglophones, fut un bouillon de culture pour l’implantation de la langue shakespearienne. Étant donné qu’à l’ère industrielle, une grande majorité des emplois étaient dans les usines, les effets furent très rapides.


On travaillait sur le chif (shift = quart de travail) de nuit et on faisait de l’over time (temps supplémentaire) parce que le boss (patron) l’avait demandé. On pourrait multiplier les exemples. Finalement ce fut une assimilation par : besoin de travailler, besoin de comprendre.

 

Malheureusement pour la langue française, les Anglais imposaient leur langue en n’apprenant pas et ne parlant jamais français. Ce qui força les francophones, qui étaient devenus la sous-classe, à apprendre l’anglais afin de pouvoir travailler et prospérer.

 

Entre deux chaises

Deux siècles plus tard, la situation est sans équivoque : la transition vers l’anglais a franchi un point de non-retour. Oui, bien sûr, ce ne sera pas dans un mois ou dans un an, mais encore une ou deux décennies à ce train et…

 

Des noms sans sens

En attendant, au Québec les locuteurs francophones ne sont pas au bout de leur peine. Il est souvent très difficile de comprendre les communications informatives; que ce soit dans l’affichage public ou les annonces électroniques.

 


Par exemple : vous croisez un camion où il est inscrit « GojiT » en très gros caractères. Vous avez beau chercher, vous n’arrivez pas à trouver la définition. C’est normal, comme beaucoup d’enseignes ou de bannières au Québec, le message s’adresse aux anglophones. Un anglophone vous dira : « Ah, c’est simple ça signifie Go just in Time. » L’équivalent anglais de livré juste à temps.


Il devient alors fort difficile d’interpréter ce qu’on lit, est-ce une référence anglophone ou non. Un Québécois suit un long camion de transport où il est inscrit PC en très gros à l’arrière. Il se demande ce que ça peut signifier, en anglais ou en français ? (il

n’y a décidément pas de loi sur la primauté du français ?) Sûrement pas au « Plus Criss » (au plus vite, en québécois). Non, finalement c’est President Choice (slogan d’une grande chaîne d’alimentation).

 


Il en résulte une confusion qui fait que beaucoup de gens finissent par adopter des concepts anglophones. Et le phénomène est quintuplé à Montréal. On découvre la difficulté qu’on beaucoup de locuteurs à traduire en français des termes qu’ils utilisent quotidiennement. Finalement, bien des mots et expressions françaises ont été si solidement remplacés que la plupart n’en connaissent plus la source.

 

On voit apparaître des « Bon matin » (de good morning) au lieu de bonjour. Bien des gens se sont résolus à lire les versions anglaises des modes d’emploi de produit, car le français y est souvent incompréhensible.


La vraie assimilation : les concepts

Le transfert d’une culture linguistique à une autre ne se fait pas seulement par la traduction du langage. La véritable assimilation se fait par le biais des concepts. En effet, chaque langue véhicule des façons de voir propres à sa culture.

 

On le voit bien quand on tente de traduire une expression ou une blague du français vers l’anglais et vice-versa. Résultat : la plupart du temps on ne comprend pas la blague ou on ne la trouve pas drôle. Par exemple :

 

Pull someone’s leg

Faire une blague à quelqu’un.

Sat on the fence

Être indécis.

When pigs can fly

Quand les poules auront des dents.

Pull yourself together

Calme-toi.

Give someone the cold shoulder

Ignorer quelqu'un.

To beat around the bush

Tourner autour du pot.

I worked my fingers to the bone

Travailler d'arrache-pied.

Break a leg !

Bonne chance !

What do cows do on date night ?

Go to the moo-vies. (moo= meuh)

 Why did the bicycle fall over ?

Because it was two tired. (tire=pneu et tired=fatigué)

Au Québec, on a vu souvent dans les journaux des petites bandes dessinées de quelques cases. Achetées en lot, ces blagues étaient traduites directement de l’anglais ce qui les rendait incompréhensibles. Heureusement ces temps sont révolus.


Ce qui demeure, c’est le fait que la culture latine est très différente de la culture anglo-saxonne. La glissade incontournable vers l’anglicisation est une réalité; le village québécois n’a pas de potion magique et les César d’Amérique parlent anglais.


 

 


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Épilogue

Il y a de grands mouvements de société sur lesquels on n’a pas d’emprise. C’est le cas de la dérive de la langue française en Amérique du Nord. Il faut s’y faire. Toutefois, même si on accepte la situation, on ne peut s’empêcher d’envier ces écrivains nés, par exemple, en Chine avec un potentiel de plus de 1,4 milliard de lecteurs. De même pour les artistes, chanteurs, écrivains, communicateurs étatsuniens unilingues qui, en plus de toute la population des États-Unis, bénéficient d’une compréhension de leur langue aux quatre coins du monde.

 

Injustice de la fatalité. Implacable hasard d’où on est né sur la planète. On n’est peut-être jamais content et tout nous semble plus beau ailleurs. Mais une chose demeure, l’important, quel que soit le dialecte, c’est que l’on continue à speaker together.

 

Merci aussi à ceux qui n’ont pas lu.

 

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